(FILES) This photograph shows a television screen displaying France's outgoing Prime Minister Sebastien Lecornu (R), with an image of France's President Emmanuel Macron in the background, during a live broadcast interview on a set of French TV France 2 in Paris on October 8, 2025. French President Emmanuel Macron on October 10, 2025 reappointed his outgoing prime minister, Sebastien Lecornu, back into that position, just four days after Lecornu gave his resignation. (Photo by Ludovic MARIN / AFP)

Conflit autour des prix des médicaments: un paysage en mutation

Les relations entre les laboratoires pharmaceutiques et les autorités de régulation se durcissent autour des tarifs des nouveaux traitements. Les entreprises estiment que les organismes publics n’accordent pas une juste récompense à l’innovation, tandis que les autorités sanitaires s’inquiètent de la hausse des coûts dans un contexte politique et budgétaire visant à maîtriser les dépenses.

En mai, un décret présidentiel américain a imposé que les prix des médicaments aux États-Unis, parmi les plus élevés au monde, s’alignent sur les niveaux les plus bas observés dans des pays dont le PIB par habitant atteint au moins 60% de celui des États-Unis. Le texte invite également les pays européens à contribuer à l’innovation en ajustant leurs propres niveaux de dépense.

Contexte et enjeux de l’innovation

La fixation des prix des médicaments est aujourd’hui marquée par des tensions qui traversent les continents. Avant les années 1990, les négociations privilégiaient surtout les coûts; ce cadre s’est peu à peu fissuré sous l’effet de la pression sur les contribuables et du coût croissant des traitements innovants.

Les dépenses liées aux traitements anticancéreux, hors frais annexes, ont augmenté de 75% ces cinq dernières années pour atteindre 252 milliards de dollars en 2024, selon IQVIA. Karin Steinbach rappelle que, malgré l’arrivée de davantage de traitements dans des domaines comme le cancer ou les maladies rares, les prix restent élevés afin de financer le développement clinique. Roche précise qu’un nouveau traitement représente environ une décennie de travail et un investissement de 5,5 milliards de francs, et que seulement 10% des candidats en phase d’essais atteignent le marché.

Évolution de la régulation et pratiques tarifaires en Europe

Des pays comme l’Italie, l’Espagne et la France demandent des remises et des rabais pour obtenir des prix plus bas et un accès rapide. Les laboratoires considèrent souvent ces accords comme confidentiels afin d’éviter que d’autres nations n’imposent des prix similaires. Ces pratiques hors scène publique alimentent la perception d’un prix de référence qui ne reflète pas toujours la réalité du coût global.

Thomas Hofmarcher, économiste du Swedish Institute for Health Economics, déplore ce statu quo qui perdure depuis au moins deux décennies.

Accès au traitement et retards tarifaires

Face à l’impossibilité de réduire rapidement les coûts, les États exigent davantage d’explications sur les prix au travers d’évaluations des technologies de santé (HTA), qui examinent les conséquences médicales, sociales et économiques des traitements. Dans ce cadre, les négociations durent plus longtemps et l’accès à certains traitements peut être retardé. Selon l’étude WAIT publiée par la Fédération européenne des associations et industries pharmaceutiques, seuls 29% des traitements approuvés dans les trois années avant 2024 étaient accessibles via les systèmes de remboursement centralisés, contre 42% en 2019.

Des médicaments largement utilisés aux États-Unis ont été rejetés par certains régulateurs européens faute de rentabilité, comme Legembi ou Enhertu. En juillet, Roche a retiré Lunsumio du marché suisse après que les autorités ont demandé davantage de preuves pour fixer un prix définitif.

Perspectives et avertissements

Aucun consensus clair ne se dégage sur la fixation des prix et les analystes estiment que les appels de Donald Trump en faveur de tarifs plus élevés dans d’autres pays n’apporteraient pas de solution et pourraient accroître les tensions. Thomas Hofmarcher rappelle que les systèmes de santé européens, largement dépendants de l’État, disposent de marges limitées pour financer des augmentations de coûts, tout en devant répondre à des besoins croissants.

Rédaction: Jessica Davis Plüss (SWI)

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