Contexte et déroulement de la manifestation

Des dizaines de milliers d’hommes en noir, signe distinctif des juifs ultra-orthodoxes, se sont rassemblés jeudi dans les rues de Jérusalem pour protester contre l’absence d’un cadre législatif prévoyant une exemption de la conscription obligatoire.

Munis d’un haut-parleur, un rabbin a récité des psaumes repris en chœur par une foule exclusivement masculine. « Nous n’allons pas à l’armée, non pas parce que nous sommes égoïstes, mais parce que nous essayons de nous préserver, conformément à ce que la Torah nous enseigne et ce que les rabbins nous disent. Servir dans l’armée est contraire à la Torah », a confié à l’AFP Abraham, 27 ans, étudiant dans une yeshiva à Jérusalem et qui a souhaité garder l’anonymat. Peu de pancartes sont visibles, mais certaines affichent : « Mieux vaut aller en prison qu’à l’armée ».

Cadre juridique et contexte historique

Exemption de facto depuis 1948. L’initiative ne fait pas l’unanimité dans le paysage politique. Avigdor Lieberman, chef du parti Israël Beytenou, a déclaré sur X que « la manifestation pour l’exemption de la conscription est une honte pour la direction du pays et une insulte envers nos soldats héroïques ». A l’appel des deux partis ultra-orthodoxes Judaïsme unifié de la Torah (JUT) et Shass, les manifestants venus de tout le pays réclament le rétablissement d’un dispositif qui exonérait du service militaire les étudiants des yeshivot, avant son invalidation par la Cour suprême.

Depuis la création de l’État d’Israël en 1948, les ultra-orthodoxes bénéficiaient d’une exemption de facto, à condition de se consacrer à l’étude à plein temps des textes sacrés dans des yeshivot. Cette exemption a été fragilisée par la guerre à Gaza, qui a mobilisé des centaines de milliers d’Israéliens alors que l’armée manquait de soldats et de réservistes. En juin 2024, la Cour suprême a jugé nécessaire qu’une loi encadrant la conscription des ultra-orthodoxes soit votée.

Des positions divergentes au sein du rabbinat

Le projet de loi discuté en commission parlementaire vise à amener vers l’engagement les jeunes ultra-orthodoxes qui n’étudient pas à plein temps. Pour certains rabbins, l’appel à l’armée peut comporter un risque d’éloignement de la pratique religieuse, tandis que d’autres acceptent que ceux qui n’étudient pas les textes puissent s’engager.

Les partis Shass et JUT ont quitté le gouvernement en attendant la mise en œuvre d’un texte promis dans les accords de coalition fin 2022, destiné à pérenniser l’exemption. Si le parti séfarade Shass (11 sièges) se retire, le Premier ministre Benjamin Netanyahou pourrait perdre sa majorité, ouvrant la voie à des élections anticipées, selon des analyses d’experts.

Données démographiques et implications sociales

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14 % de la population juive d’Israël, soit près de 1,3 million d’habitants. Jusqu’à présent, environ 66 000 hommes en âge de servir bénéficiaient d’une exemption. Des milliers d’ordres de recrutement ont été envoyés ces derniers mois, et plusieurs déserteurs ont été incarcérés, entraînant des appels à manifester.

By