Marcel Cellier, passeur des Balkans et pionnier de l’ethnomusicologie
Né le 29 octobre 1925 à Zurich et décédé en 2013, Marcel Cellier fut un amoureux de la musique qui maîtrisa de nombreux instruments sans jamais suivre de cours : orgue, flûte de pan, trompette — instrument pour lequel il reçut des prix d’interprétation en solo comme en groupe — et violoncelle.
« Je suis autodidacte, amateur – étymologiquement celui qui aime – et c’est par amour pour la musique que j’ai appris certains instruments et à me produire. Des choses qui m’étonnent aujourd’hui », disait-il au micro de la RTS, avec son accent inimitable.
Un esprit curieux et un regard ethnomusicologique
Au-delà de son talent instrumental, sa curiosité et sa passion le distinguent. Dès les années 1950 et jusqu’en 2010, Marcel Cellier et sa femme Catherine, photographe, se sont rendus dans les pays de l’Est pour rencontrer les habitants et collecter des mélodies, à l’instar de Béla Bartók, pionnier de l’ethnomusicologie. À l’époque, la démarche était précurseuse, car les musiques des Balkans restaient largement inconnues en Occident et l’intérêt pour les musiques du monde en était encore à ses balbutiements.
Un enregistreur lourd et un patrimoine sonore immense
« Quand je voyageais avec ma femme il y a 60 ans en Topolino, elle tenait sur ses genoux un petit transistor. Entre Zagreb et Belgrade, sur 400 kilomètres, nous entendions sur ce poste des voix et des instruments que personne ne connaissait chez nous. Cela m’a fasciné. Alors je me suis empressé de m’équiper d’un enregistreur portatif de 35 kilos Telefunken et on a beaucoup enregistré. Il y a des milliers de porteurs de sons dans mon bureau, tout est plein d’enregistrements qu’on a pu réaliser pendant ces 50, 60 ans », racontait-il en 2012.
Diffusion et reconnaissance internationale
Dès les années 1960, Radio Sottens, ancêtre de la RTS, diffuse ses enregistrements. Il lance l’émission « De la mer Noire à la Baltique », qui sera diffusée pendant trente ans. Pour diffuser encore davantage cette musique des Balkans, Marcel et Catherine Cellier créent leur propre label après avoir essuyé des refus des maisons de disques. Le premier album paraît en 1975 sous le titre Le mystère des voix bulgares, suivi d’un deuxième en 1989 du même nom, qui remporte un Grammy Award, la première attribution de ce prix à un Suisse.
Découvertes et héritage
Marcel Cellier est notamment crédité comme découvreur de Georghe Zamfir et des voix bulgares, contribuant à leur reconnaissance en Occident.
Selon la journaliste et ethnomusicologue Lea Hagmann, Cellier était « en avance sur son temps » et « minutieux » dans le traitement des données relatives aux artistes enregistrés. Il notait tout et veillait à ce que les artistes soient rémunérés et reçoivent leurs droits d’auteur. En contexte des années 1960, une partie du territoire yougoslave était encore derrière le rideau de fer et peu accessible, ce qui rendait son travail d’autant plus novateur et influent en Occident.
Un entretien enregistré en juin 2012 au domicile de Marcel Cellier est également mentionné dans le cadre de la série Mystères des Balkans, œuvre et héritage de Marcel Cellier.