Contexte et perception de la contestation

Washington paraît calme en apparence. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, le chef de l’État a signé des décrets controversés et mis en cause certaines pratiques institutionnelles. Cependant, les grandes mobilisations observées en 2020, à la suite de la mort de George Floyd, semblent aujourd’hui loin.

Selon un sondage publié la semaine dernière, Donald Trump demeure l’un des présidents les moins populaires de l’histoire moderne, affichant 44 % d’approbation, un chiffre historiquement bas à ce stade du mandat. Un léger rebond a été observé grâce au cessez-le-feu obtenu à Gaza, mais le niveau d’approbation demeure bas.

Une peur diffuse et des formes de contestation discrètes

Sur le terrain, l’opposition existe, mais elle se manifeste souvent de manière discrète : banderoles, autocollants sur les véhicules, petits rassemblements d’étudiants.

Selon Cyrus Hampton, professeur de sociologie et de littérature américaine à l’université Howard, les étudiants craignent les répercussions possibles et s’interrogent sur ce qui pourrait leur être reproché.

À Howard University, surnommée le Harvard noir, un groupe d’élèves a protesté le mois dernier contre le déploiement de la garde nationale à Washington. Néanmoins, la manifestation était limitée à quelques dizaines de participants dispersés autour d’une oratrice munie d’un mégaphone, et les médias n’étaient pas les bienvenus en raison des risques de représailles.

Pour l’expert, le malaise est profond : il évoque une impression d’effondrement du système, avec des responsables politiques qui hésitent à s’opposer au mouvement ou qui s’y opposent peu franchement, ce qui surprend même certains observateurs.

Mobilisations plus dispersées mais persistantes

Cependant, la contestation ne se cantonne pas à un seul front. Dana Fisher, professeure à l’American University et spécialiste des mouvements sociaux, rappelle que le public américain n’est pas monolithique; les minorités hésitent à participer car elles sont directement visées par l’administration Trump, alors que dans des villes comme Chicago, des habitants se mobilisent par sens moral et obligation civique.

Depuis plusieurs semaines, Chicago est particulièrement active, avec des arrestations violentes, des interventions de la police de l’immigration et des signalements d’enlèvements de migrants dans la rue.

Un militant démocrate de 30 ans décrit une période effrayante et appelle à une mobilisation plus large, tandis qu’une autre militante évoque une résistance réelle mais plus éclatée qu’auparavant, soulignant que la mobilisation demeure significative malgré sa dispersion.

Un mouvement qui gagne en vigueur malgré la dispersion

Selon Dana Fisher, la participation dans les rues est aujourd’hui plus importante que lors du premier mandat de Trump, mais elle se déploie de manière plus décentralisée. Début juin, le No Kings Day a mobilisé des milliers de villes, et le No Kings Day 2, organisé le week-end suivant, aurait réuni environ sept millions de personnes selon les organisateurs.

Cette dynamique civique émerge dans les communautés où la politique se joue réellement, et donne une image d’un mouvement plus fort sur le plan local que par le passé.

Le spectre de la répression et ses implications

La question demeure : combien de temps la Maison Blanche tolérera-t-elle ce niveau de contestation ? À Chicago, les forces fédérales ont déjà recours à des méthodes musclées pour disperser les manifestants, rappelant les scènes de l’été 2020 : gaz lacrymogènes, hélicoptères et arrestations arbitraires.

Si ce scénario venait à se répéter, des affrontements pourraient éclater, avertit Dana Fisher. Elle ajoute qu’il serait nécessaire que des Républicains s’opposent clairement à une dérive autoritaire pour éviter une escalade majeure.

Pour l’heure, les fissures restent invisibles au sein d’un Parti républicain verrouillé par l’opportunisme. Toutefois, la tolérance croissante envers la violence politique reflète un malaise démocratique profond.

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